Bruxelles-Centre, c’est un peu le cœur qui bat fort… parfois trop fort. On y passe, on y vit, on y râle, on y rit. C’est là que tout commence pour les touristes. Et là que tout se complique pour les Bruxellois. Mais derrière les pièges à gaufres et les rues bondées, se cache un quartier complexe, surprenant, attachant — et souvent mal aimé.
Entre Grand-Place et ruelles sans nom
Oui, la Grand-Place est sublime. On peut s’en moquer autant qu’on veut, elle reste l’une des plus belles places d’Europe. Mais ce qu’on oublie, c’est qu’à quelques rues de là, les trottoirs s’effritent, les façades se battent avec le temps, et les loyers grimpent pendant que les habitants de longue date sont peu à peu évincés. Bienvenue dans la gentrification façon brusseleir : entre rénovation et évaporation.
Le centre, ce n’est pas que les boutiques de chocolat. C’est aussi le quartier Anneessens, le boulevard Lemonnier, les rues où on parle arabe, espagnol, flamand, français, anglais, italien… parfois tout ça à la fois, dans la même phrase.
Un vrai foutoir bruxellois – et on adore ça
Le centre-ville, c’est la fête du contraste.
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Un vendeur de roses pakistanais qui salue un serveur italien devant une friterie tenue par des Grecs.
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Des étudiants Erasmus en goguette qui croisent des sans-abris au pied du Palais de Justice.
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Une manif pour le climat qui passe devant Zara.
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Des graffitis engagés sur les murs fraîchement repeints par la Ville.
Ici, tout est bordélique, bruyant, dense. Et pourtant, on s’y sent vivant. Parce qu’à chaque coin de rue, il y a une surprise : un petit café où le patron vous tutoie, une librairie engagée, un club queer planqué dans une cave, ou encore une église qui sent l’encens et les frites.
Les pièges à touristes… et ceux qu’on pardonne
Soyons honnêtes : il y a du fake.
Le Manneken-Pis, par exemple : ce minuscule môme pissou qu’on montre aux visiteurs avec fierté, tout en se demandant pourquoi on l’aime autant. Peut-être parce qu’il résume à lui seul l’absurde bruxellois : un truc pas très impressionnant, un peu ridicule, mais qui traverse les siècles et fait marrer tout le monde.
Et puis il y a les vraies pépites, discrètes, pas indiquées sur Google Maps :
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Les petites rues autour de la place Sainte-Catherine,
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Les concerts à l’Archiduc, ce bar jazz coincé entre deux snacks,
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Le marché du samedi à la Bourse, et ses livres à 2 €,
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Les escaliers de la Montagne de la Cour, parfaits pour regarder le coucher de soleil sur les toits de la ville.
Le centre, c’est aussi un combat
Ne soyons pas naïfs. Le centre est en mutation constante.
Des habitants tirent la sonnette d’alarme : Airbnb étouffe certains immeubles, les commerces de proximité disparaissent, les bancs publics fondent comme neige au soleil. Et la police est parfois plus visible que les travailleurs sociaux.
Mais tout ça cohabite avec une jeunesse engagée, des assos qui font bouger les lignes, des collectifs qui s’imposent dans l’espace public. À chaque mur repeint, un tag réapparaît. À chaque fermeture de bar, un autre renaît ailleurs.
Aimer Bruxelles-Centre, c’est l’aimer malgré (ou grâce à) ses défauts
Le centre de Bruxelles, on l’adore et on le déteste.
Mais surtout, on y revient. Toujours.
Parce que c’est là que tout commence. Parce que c’est là que les mondes se croisent.
Parce qu’il y a plus d’humanité dans une ruelle d’Anderlechtstraat que dans bien des villes musées.

Claire Delmarche est née à Jette, a grandi à Forest et vit aujourd’hui à Saint-Josse.
Bruxelles, elle la traverse en tram, en vélo ou à pied, carnet en main et casque sur les oreilles. Formée à l’IHECS, passée par quelques rédactions « où on met plus de temps à remplir un tableau Excel qu’à écrire un article », elle a vite compris qu’elle serait plus libre en dehors des circuits classiques.
Claire aime les histoires à hauteur d’humain. Celles qu’on ne voit pas dans les grands JT. Elle écrit sur la vie des quartiers, les luttes sociales, les brasseries de quartier qui ferment, les collectifs citoyens qui s’organisent, les contradictions bruxelloises qu’on adore détester.
Bilingue (et brusseleir par adoption), elle jongle entre les langues comme entre les tramways de la STIB. Elle refuse la neutralité molle et préfère le regard juste, nuancé, sincère, même s’il dérange.
Membre fondatrice de informations.brussels, elle y signe des papiers bruts, tendres ou caustiques — mais toujours vrais.
Sa devise : « Écouter avant d’écrire. Et toujours relire à voix haute. »
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